Notre enfance a été marquée par la pratique de jeux aussi nombreux que variés, mais qui ne coûtaient, pour la plupart, presque rien au budget familial. Certains d'entre eux nous ont été transmis par nos prédécesseurs, alors que d'autres ont été plutôt le fruit de notre imagination créative. Il faut dire que, jadis, très peu de possibilités d'amusement et de distraction étaient disponibles pour les enfants qui ignoraient encore les jeux électroniques tellement en vogue de nos jours. Aujourd'hui, et à y voir de près, il semble que les jeux d'antan, bien que simples dans leur conception et leur pratique, présentaient quelques caractéristiques et significations psychiques, culturelles et sociales. En effet, au-delà de leur essence fondamentalement ludique, les jeux constituaient un exutoire permettant de se défouler et de se délester des multiples contraintes, imposées alors par le milieu ambiant, ainsi que des pressions de toutes sortes exercées à l'égard des enfants dans le cadre d'une éducation faisant peu de cas des désirs, des passions et de l'épanouissement de l'individu. Dans ce contexte, on profitait de ces temps de liberté et de loisirs pour donner libre cours à ses capacités et énergies contenues. De fait, les jeux en vigueur n'étaient qu'une image fidèle des conditions sociales dominantes, notamment sur le plan de la discrimination entre les deux sexes. Les filles ne pouvaient quitter le domicile familial que très rarement du fait de la forte emprise appliquée principalement par leurs mères qui oeuvraient à les initier aux tâches ménagères et à les préparer ainsi à fonder leur propre foyer, reproduisant de la sorte le même mode de vie et de relations familiales et sociales. Les femmes étaient l'exemple à suivre, y compris en s'abstenant d'aller à l'école, considérée à l'époque comme étant le monopole des garçons. Dans ces conditions, les jeux féminins ne dépassaient que très peu le seuil de la demeure parentale. Et l'on n'apercevaient guère des jeunes filles en train de s'adonner à des jeux tels que "les billes" ou la "toupie", sans parler bien sûr du "saute-mouton", de la "chasse aux oiseaux" ou du "billard". Ces derniers étant la chasse gardée des garçons. Toutefois, certaines familles laissaient tout de même une certaine marge de liberté à leurs filles qui se livraient à des jeux comme "délivré", "la marelle", "la corde à sauter", "cache-cache", "les osselets" et d'autres distractions encore qui se pratiquaient parfois conjointement par les garçons et les filles dans le cadre d'une mixité tolérée et admise dans des limites généralement assez restreintes. Il apparaît ainsi indéniable que nos anciens jeux reflétaient bien la réalité de la situation sociale et l'état des mentalités et des rapports qui y régnaient. En outre, ils représentaient un espace d'amusement et de défoulement et, en même temps, ils offraient l'occasion d'exhiber sa force physique et d'essayer de marquer sa supériorité et sa domination sur ses copains, ses émules et ses rivaux aussi bien de la rue que du quartier. C'est ainsi que de véritables épreuves de force éclataient à divers niveaux en vue d'imposer sa mainmise et son leadership aux parties adverses. Des combats entre bandes de quartiers étaient déclenchés çà et là, durant lesquels il était fait usage de toutes sortes de moyens physiques et des divers projectiles disponibles. C'était une lutte acharnée afin de faire régner sa loi dans le cadre local, à l'instar de ce qui est observé entre peuples et nations à travers la planète. |